Dans la colonne de droite de cette page du Clark Street Sun parue le 27 octobre 1957, le jeune collaborateur David Goltzman propose un article d’opinion à teneur philosophique qui apporte une réflexion brève mais lucide sur l’attitude ségrégationniste de sa société. L’article, traduit plus bas, évoque deux éléments historiques importants du 20e siècle.
L’auteur rappelle d’abord les événements — alors très récents — de Little Rock, en Arkansas. Il s’agit de l’un des moments les plus importants du mouvement afro-américain des droits civiques, qui prit la forme d’une confrontation entre le pouvoir de l’État américain et le gouvernement fédéral. En 1957, des partisans de la ségrégation raciale, dont le gouverneur de l’Arkansas, Orval Faubus, empêchèrent neuf élèves afro-américains inscrits à la Little Rock Central High School de poursuivre leurs études, sur la base de motifs raciaux. Le président des États-Unis de l’époque, Dwight D. Eisenhower, fit alors intervenir l’armée pour que le maintien du droit soit assuré.
Goltzman mentionne aussi la nécessité d’apprendre à vivre en paix avec les voisins vivant derrière le « rideau de fer ». Rappelons qu’à l’époque, le monde occidental était divisé en deux principales puissances politiques : celles du monde capitaliste (les pays européens de l’ouest et de l’Amérique du Nord, si l’on simplifie), et celles du monde communiste soviétique (ceux se trouvant principalement à l’est de l’Allemagne, de la Tchécoslovaquie, de la Hongrie et de la Yougoslavie, incluant la Russie, pour simplifier encore). On appelle la “guerre froide” le conflit qui opposa ces deux puissances jusqu’au tournant des années 1990, moment où le Bloc communiste s’effondra. Dans les années cinquante, la crainte d’une confrontation entre ces deux puissances, qui aurait impliqué l’utilisation de forces nucléaires, était particulièrement prégnante.
Ces propos de 1957 trouvent-ils encore écho dans notre monde d’aujourd’hui?
Jeunesse au Soleil continuera toujours de se battre contre le racisme, la ségrégation et l’injustice sociale.
(traduction maison)
En rétrospective
Le leurre de la ségrégation
par David Goltzman
Peu avant la Révolution française, le grand philosophe français Rousseau déclarait : « L’homme est né libre et partout il est dans les fers. » Cette idée reflète l’état de la situation depuis les débuts de la société humaine jusqu’à nos jours. À l’origine, cette citation décrivait la situation existant en France au XVIIIe siècle, où le roi et les nobles privilégiés niaient aux paysans pauvres des droits semblables aux leurs. Or, à l’époque moderne, une situation similaire persiste. L’homme prive toujours son voisin de sa prérogative de jouir de la « liberté, égalité et fraternité » et il ne tient pas compte du principe constitutif de sa religion voulant qu’il ne doive pas « faire aux autres ce qu’il ne voudrait pas qu’on lui fasse ».
Les récents incidents scandaleux survenus dans le sud des États-Unis, en particulier ceux de Little Rock, en Arkansas, illustrent très bien cette situation. De tels actes et un tel comportement antisocial dans un pays démocratique dominant, bâti sur le principe selon lequel « tous les hommes naissent égaux et jouissent du droit inaliénable à la liberté » constitue en effet un grave revers pour les humanistes et le travail des Nations Unies.
N’allons toutefois pas croire qu’au-delà des États-Unis, notamment dans notre pays, nos systèmes de valeurs, notre couleur et notre religion n’ont pas pourri une partie du halo angélique que nous imaginons nous entourer. Car ces facteurs n’ont-ils pas joué un rôle majeur dans la façon dont nous avons établi la priorité des postes importants dans nos propres magasins et bureaux?
En guise de conclusion, rappelons-nous que nous ne pourrons apprendre à vivre en paix avec nos voisins derrière le rideau de fer si la discrimination et la ségrégation persistent dans nos propres villes et villages.